Entretien avec un journaliste :
Shkumbin Ahmetxhekan sort de la conférence de presse hebdomadaire
tenue en commun par l’OSCE (Organisation pour la coopération
et la sécurité en Europe), la KFOR, la Minuk et l’UE.
Il travaille depuis deux ans à la télévision albanaise
RTV21, chaîne très suivie dans la partie albanaise de la
province. Il se penche sur la place des médias au Kosovo et sur
leur mission.
Quelle place occupent les médias au Kosovo ?
Malheureusement nous ne jouissons pas encore d’une grande influence
sur le gouvernement. Nous n’avons pas beaucoup d’effet non
plus. Par exemple, lorsque je traite un sujet, j’apporte des faits.
Bien souvent il s’agit de problèmes qui se posent à
la population et que j’essaye de faire remonter par la voie médiatique.
Mais ils ne font rien pour essayer d’améliorer les problèmes
que je soulève.
Par ailleurs, nous ne recevons aucun soutien des institutions, qu’elles
soient locales ou internationales. Nous ne sommes pas toujours les bienvenus
dans la mesure où, parfois, nous critiquons les politiques menées
dans la région.
Le problème, c’est qu’ils ont peur de faire les choses
d’une façon différente, d’avoir un nouveau
partenaire dans le règlement des problèmes. Alors, ils
font figure d’accepter ce qu’on leur dit, avec un sourire
de façade. Mais en fait ils sont contre.
Toutefois je tiens à préciser une chose. Le fait que l’on
dérange parfois les politiques n’est pas propre au Kosovo.
C’est une question qui se pose dans le monde entier. C’est
peut-être aussi le signe que les médias kosovars commencent
à acquérir une certaine légitimité.
Les médias albanais essayent-il de contribuer à un réchauffement
interethnique ?
Bien sûr. A RTV21, nous avons fait beaucoup pour améliorer
les relations interethniques. Nous avons fait énormément
de reportages sur les besoins des Serbes, dans quelles conditions ils
vivent, etc. Nous invitons souvent des représentants de la communauté
serbe. Vous voyez, aujourd’hui par exemple, nous recevons pendant
une heure Oliver Ivanovic, le leader de la Serbian list for Kosovo.
Nous présentons la réalité telle qu’elle
est. Il peut nous arriver de critiquer les Serbes pour leur non participation
aux institutions par exemple, tout comme nous critiquons le gouvernement
albanais. Et il ne faut pas croire : de nombreuses chaînes tv
sont fiables.
Alors comment expliquez-vous que les médias albanais aient été
accusés, en mars 2004, de propager une rumeur, facteur déclencheur
des violences ?
Je pense que ce reportage était objectif. Les journalistes manquaient
peut-être un peu d’expérience. Oui, la Communauté
internationale a blâmé les journalistes albanais pour la
reprise des hostilités. Mais je ne crois pas que nous avons eu
un rôle dans les émeutes. Elle a voulu se défausser,
peut-être parce qu’elle se sentait coupable de n’avoir
pas été capable de prévenir cet embrasement.
Quelle mission peuvent mener les médias ?
Informer les gens, contester les choses qui vont mal et essayer de
les améliorer. Nous travaillons pour la communauté. Les
Serbes ont aussi un rôle à jouer.
Les gens croient globalement à ce que les médias leur
disent. Les chaînes tv notamment car elles ne jouent pas sur le
sensationnel. Comme je vous l’ai dit, nous nous contentons de
présenter la réalité. Nous ne commentons pas ou
rarement. Nous donnons à la population les faits, elle se charge
des commentaires.
Nous avons entre nos mains une mission ultra importante. La plus importante...
Aussi longtemps que nous serons fiables. Le gouvernement a du pouvoir.
Nous aussi. Nous avons un grand rôle à jouer pour l’avenir
du Kosovo.
Propos recueillis par Sylvia Souillet-Désert
Photo : Shkumbin Ahmetxhekan est journaliste à TV21, chaîne
albanaise depuis 2 ans. Il ne se montre guère critique sur le
comportement des médias kosovars. Sylvia Souillet-Désert