Le
Kosovo médiatique
Les medias du Kosovo ont subi un véritable
boom. Durant la guerre, ils avaient cessé d'exister. Actuellement,
ils sont confrontés à beaucoup de difficultés.
Pristina
abrite les principaux media du Kosovo. RTV21 (Radio Télévision
21) et Zeri (La Voix), tous deux albanophones, se sont installés
dans un même immeuble. La première est une des chaînes
de télé les plus regardées au Kosovo. Elle diffuse,
par satellite, dans plusieurs régions du monde et possède
de nombreux correspondants à l’étranger. Le second,
journal quotidien indépendant, est souvent comparé au
Monde. Dans les deux cas : pas de problème de moyens. RTV21 forme
même ses journalistes par le biais d’une école qui
lui appartient. Bien sûr, ils revendiquent quelques difficultés
financières. Rien de sérieux, puisque tous deux couvrent
leurs frais. Aujourd’hui, leur ancienneté leur donne une
influence incomparable au Kosovo.
Autre décor, Mitrovica nord. La plupart des media installés
ici, albanais également, diffusent localement. Peu d’entre
eux sont nés avant la guerre. Ici, les journalistes sont plus
souvent issus de la faculté que d’une école professionnelle.
Les difficultés financières de ces media sont énormes.
« Nous ne pouvons même pas payer nos employés »
explique Selatin Kaçamiku, directeur de Radio Globi.
Entre investissements privés
et publicités
La plupart des media disent s’autofinancer par la publicité.
RTV21 avoue tout de même avoir recours à des mécènes
privés aux Etats-Unis ou en Hollande. Mais le marché de
la publicité est restreint dans une région comme le Kosovo.
Les entreprises locales sont peu nombreuses à pouvoir s’offrir
ce luxe. Ajouté à la multiplicité des titres, radios
et chaînes de télé, on comprend mieux ces difficultés
de financement. Mais, pour Moussa Mustafa, du journal Koha Ditore, et
à l'instar de nombreux autres pays, dont la France, "les
participations privées gênent l’indépendance
de nos journaux."
Difficile liberté de
la presse
La liberté de la presse est un autre sujet d’inquiétude.
Si à Pristina, les journalistes disent ne pas s'alarmer, les
médias locaux ont un autre avis : "Depuis les événements,
dit Moussa, l’UNMIK et la KFOR exercent beaucoup de pression sur
les journalistes. Ces deux institutions veulent nous discipliner."
Mais ces tentatives de censure ne viennent pas que des administrations
internationales. Zeero Turdisic, journaliste pour l’agence de
presse serbe Tanjung, ajoute : "Notre liberté de la presse
se termine là où le risque pour nos vies devient trop
grand". Les journalistes serbes déplorent ce manque de liberté
de mouvement. Pour Selatin, de la radio albanophone Globi, le problème
est différent. Il explique avoir vu son local fermé par
ses propriétaires sous un faux prétexte de loyers impayés.
"Mais j’ai compris que c’était autre chose."
Il faut dire que la plupart des médias revendiquent une multiethnicité.
Ce qui n’est sans doute pas pour plaire à tout le monde.
Media multiethniques
Tous les medias disent traiter des diverses communautés qui composent
le Kosovo. Mais dans les faits, peu d’entre eux emploient à
la fois des Serbes et des Albanais. Cependant, il existe des exceptions.
Future, magazine mensuel récemmenr créé, est l’une
d’entre elles. Les journalistes qui y travaillent, souvent étudiants,
sont issus des deux communautés serbes et albanaises. "Notre
travail est un peu difficile actuellement,
explique Ahmid Miftari, rédacteur en chef. Depuis les événements
de mars, une partie de mes journalistes ne peuvent plus se rendre à
leur travail." TV Most est dans le même cas. Seule télévision
serbe au Kosovo, elle emploie plusieurs albanais. "Notre plus grosse
difficulté est d’assurer la sécurité de nos
journalistes, serbes comme albanais" raconte Miletic Veroljub,
directeur de la production.
A discuter avec les représentants de ces medias,
tous se disent parfaitement objectif dans le traitement des événements
de leur pays. Pourtant, Serbes et Albanais s’accusent mutuellement
de partialité. "En mars dernier, ce sont les journalistes
albanais qui ont accusé les Serbes d’être responsable
de la noyade des enfants dans l’Ibar. Ils ont publié un
information sans la vérifier" raconte Zeero Turdisic de
Tanjug. Ici, les médias sont à l’image de la société
: divisés. Mais il faudra passer par eux pour espérer,
un jour, un avenir meilleur pour le Kosovo.
Solenne Chassagne