A la gloire du héros,
14 mai 2005 (photo en bas de page)
Ils ont 11-12 ans, se tiennent en rang deux par deux,
et s’apprêtent à franchir l’entrée d’un
cimetière, gardée par deux soldats du TMK (corps de protection
civil au Kosovo). Garçons et filles parcourent les tombes recouvertes
d’imposants bouquets de fleurs. Vingt-deux sépultures se
succèdent, comme les vingt-deux membres de la famille d’Adem
Jashari, fondateur de l’UCK (armée de libération
du Kosovo), « assassinés » par les troupes de Milosevic,
en 1999. Mis à part les bus d’enfants, l’endroit
est désert, entouré de champs. Un tel lieu de mémoire
n’est-il pas en général érigé dans
le but d’être vu par le plus grand nombre, pourquoi ne trône-t-il
pas au cœur d’une ville ?
La réponse se trouve de l’autre côté de la
route, là où trois maisons semblent tenir debout comme
par magie. Sur chacune d’elle, une plaque avec le portrait d’Adem
Jashari a été vissée. C’est ici qu’il
y a six ans, la scène tragique s’est déroulée.
Une atmosphère particulièrement pesante se dégage
de ces murs transpercés par des impacts qui peuvent atteindre
un mètre de diamètre. Ces bâtisses semblent tenir
debout par la volonté des hommes qui ont dressé de solides
échafaudages afin de les préserver des années.
Six ans c’est peu, et tellement à la fois. Témoignage
d’une rare violence, d’une rage exceptionnelle, l’endroit
suinte surtout la souffrance. Quelques mètres plus loin, des
hommes s’affairent à la construction de trois maisons :
ils sont en train de reconstruire à l’identique leur passé.
Au bout d’à peine dix minutes, les enfants remontent dans
leur bus. Comme si le seul fait de s’être déplacé
suffisait à perpétuer la mémoire. A peine partis,
d’autres cars arrivent.
Un vieil homme franchit l’entrée avec sa petite fille qu’il
tient par la main. Il lui parle, sans doute lui raconte-il ce qu’il
s’est passé ce jour là. Mais elle ne semble pas
vouloir l’écouter. Elle indique du doigt la sortie.
Marion Touboul
Crédit photo : Marion Touboul
Photo 1 : Maison où habitait la famille Jashari
Photo 2 : Un vieil homme raconte à sa petite fille l’histoire
du « héros ».