Mitro-Sud , l’hypermarché
de la contrefaçon. (photos en bas de page)
« Ces faux sont de super qualité , pas mieux sur le marché
», s’exclame Shala Mentor derrière son stand de fausses
montres dans le supermarché Lux du centre de Mitro-Sud. Pas la
peine de masquer que son rayonnage est uniquement composé de
Rolex, Breitling, et autres Louis Vuiton contrefaites . Dans cette partie
de la ville l’économie parallèle est institutionnalisée.
En entrant dans ce complexe commercial de deux étages, le visiteur
non averti à de quoi se laisser surprendre. Ici, une allée
de jeans diesel, ou guess vendu au dixième de leur prix en France,
là un présentoir de lunettes Chanel imitées à
la perfection. En circulant dans les rayons il s’avère
extrêmement difficile, voire impossible, de trouver un authentique
produit de marque. La présence sur place de gendarmes français
en patrouille n’inquiète pas le moins du monde les vendeurs.
Commerçants et militaires savent pertinemment que l’UNMIK
( qui « gouverne » le Kosovo par intérim) à
bien d’autres sujets de préoccupations que la régulation
d’une omniprésente économie parallèle. La
force de police locale , le KPS (Kosovo police security) pratique également
le laisser faire, quant elle ne se laisse tenter… directement.
Cet hyper-marché noir permet à une grande partie de la
population locale de vivre. Les jeunes Kosovars Albanais sont friands
de ces produits qui leur permettent d’avoir un semblant de vie
à l’occidentale. Dans la grande rue piétonne qui
traverse le centre ville ,et qui n’est pas encore renommée,
il est quasi systématique de croiser des midinettes au look qui
ferait pâlir une « bimbo » en plein shopping place
Vendôme. Contraste surréaliste et saisissant avec la misère
environnante et le délabrement général de Mitrovica.
De l’hypermarché, aux contrefaçons discount.
C’est en prenant la direction du marché situé à
quelques encablures de l’hypermarché Lux, que l’on
prend conscience de l’ampleur du phénomène. Ici
les contrefaçons s’étalent le long d’interminables
allées qui serpentent, conférant au lieu une allure de
gigantesque souk. Les étals menacent de s’effondrer sous
le poids des volumineuses piles de piètres copies.
« On a du mal à rivaliser avec les produits contrefaits
en Bulgarie et en Turquie » nous explique Nebih devant son stand
de fortune, « je n’arrive à me procurer que des produits
en provenance de Dubaî , qui sont moins bien faits , de plus les
douanes appliquent des restrictions sur les importations de certaines
marques comme Nike, on est obligé de détourner les logos
». Au final , bien que l’économie soit dans un état
de délabrement, et que le salaire moyen avoisine les 15O euros/
mois, la clientèle fait montre des mêmes critères
d’exigence. Vrais marques ou faux produits l’important est
de pouvoir ressembler le plus possible aux « icônes »
occidentales du cinéma ou de la chanson. Le goût du luxe
n’a décidément pas de frontière…
François Guinle.
Crédit photo François Guinle