Carnet de route, 14 mai
A fleur de peau…. (photo en bas de pageà
Patrouille gendarmerie. Après avoir récupéré
nos FRAG, nous nous répartissons en trois groupes de deux. Cyril
et François iront à Mitrovica, Marion et Sylvia vont à
Skenderaj (ville du Nord-Ouest Kosovo). Sophie et moi visiteront les
enclaves serbes aux alentours de « Mitro ». Nous allons
visiter Priluzje, une enclave de 3500 serbes située au Nord de
Novo Selo. Cette enclave est sécurisée par les militaires
marocains. Nous poursuivrons la visite vers Golbuja, enclave de 300
serbes, sécurisée par les militaires français.
Dans la foulée nous passerons dans l’enclave de Miroche,
où seules deux familles résident. Nous achèverons
la patrouille par la visite du monastère Sokolica, datant du
14éme siècle. Mais avant tout, nous passons chercher l’interprète
Marko qui habite à Zvecam (au Nord-Est de Mitrovica).
Nous prenons la route en direction de la première enclave serbe
Priluzja. Après une quinzaine de minutes, nous arrivons devant
le poste. Les marocains montent la garde. L’enclave est en fait
une partie de village serbe gardée par une force armée.
Nous traversons la voie ferrée, la famille que nous allons voir
ne se trouve plus qu’à quelques mètres. A droite,
au bout d’un chemin une maison. A cet instant nous nous demandons
ce qui va se passer. Nous avons souvent entendu parler des enclaves
sans jamais en voir de près. Nous aurons dans quelques secondes
une vision réelle de la situation. Sur le perron une famille,
tout le monde nous salue d’un « dobardan » (bonjour
en serbe). La famille est composée de six personnes et du grand
père. Les enfants et le mari partent car ils sont invités
par le bataillon marocain à une cérémonie. Aujourd’hui,
le bataillon fête la création des forces armées
royales du Maroc. La mère nous invite à entrer et à
boire un café. Sophie et moi sommes émues de la gentillesse
de ces personnes qui ne vivent de rien mais qui nous offre un accueil
chaleureux et hospitalier. Fidèles à leurs coutumes, avec
le café un verre de vodka est obligatoire. Il est 10h15…
Si toutes les familles que nous rencontrons nous offre le même
café (pas très bon) et de la vodka (faite maison), je
pense que la journée sera longue ! Je vous vois dèja dire
que les gendarmes ne sont bons qu’à boire, mais s’ils
ne se prêtent pas à ses coutumes, les langues ne se délient
pas. En effet, les patrouilles faites dans les enclaves ont pour vocation
de renseigner les gendarmes sur les éventuels incidents (jets
de pierres, insultes etc.) auxquelles sont confrontées les populations
serbes en dehors des enclaves. Après une bonne heure de discussion,
les cafés finis (sauf le mien, je trouve le café kosovar
imbuvable), nous décidons de continuer notre tournée.
Nous allons dans le quartier des Roms, pour rendre visite à une
personne. Dans cette enclave, le quartier Rom se compose de 250 personnes
soit 53 familles. Ils sont installés au fond de l’enclave
délaissés. Ici comme partout, un groupe de garçons
joue aux billes dans une crasse irréelle. La personne que nous
cherchons n’est pas sur le camp. Nous partons. Nous venons de
toucher des yeux la misère. Jusqu'à a prochaine enclave
nous restons silencieuses, cette vision nous laisse « sans commentaire
».
Nous nous dirigeons vers le Nord. Nous traversons un village albanais,
et arrivons sur l’enclave de Golbuja, sécurisée
par des français. Cette enclave à cette particularité
de se trouver entre deux villages albanais. La traversée du village
par les albanais se passe relativement bien, la plupart du temps. Ici
l’atmosphère est différente, je dirais détendue.
Nous rencontrons l’ancien Maire. Il habite avec sa famille dans
une petite ferme. Elle se compose de deux maisons de plein pieds, d’une
grange et d‘un enclos où sont rassemblés poules
et cochon. Ici l’odeur de la pollution est couverte par celle
des fientes de poules. Enfin un endroit où nous avons l’impression
d’être à la campagne ! Nous nous installons sur la
terrasse ombragée, autour d’une table. Et hop ! Rituel
oblige la maîtresse des lieux s’empresse de sortir les verres
à vodka et le café. Cette fois je dis non pour le café.
Depuis ma dernière gorgée j’ai encore mal au cœur.
Nous discutons de son sentiment face au prochain retrait de la Kfor.
Il n’est pas convaincu de l’efficacité de la Police
du Kosovo (KPS). Après que chacun est fini de boire son café
vodka et de manger les petits biscuits, nous allons vers Miroche. Du
village, il ne reste que deux maisons habitées par deux familles
albanaises. La personne que nous voulions voir n’est pas là
aussi.
Il est maintenant 12h30, petit détour au camp Plana pour le déjeuner
et nous irons visiter le monastère de Sokolica. Nous repartons
direction « Mitro » Nord. Le monastère se situe à
environ une dizaine de kilomètres de la maison de notre interprète.
Pour y accéder, nous roulons pendant 10kms sur un chemin de pierre.
Le monastère entouré e villages albanais est gardé
par les militairs grecque. Nous arrivons dans ce lieu où flotte
une ambiance spirituelle. Ce sont des sœurs orthodoxes qui gardent
les lieux. Leurs journées se composent de temps de prières
et de peintures. A notre grande surprise, la mère supérieure
Makarisja a à son actif trois doctorats (chimie, théologie,
histoire de l’Art) elle reste passionnée pour la peinture.
Nous avons un respect inné ces femmes et pour ce lieu qui a traversé
l’histoire. Construit au 14éme siècle, il a été
détruit par les turcs au 15éme siècle puis reconstruit.
Dans la chapelle nous pouvons voir les restes de fresques de cette époque
et des icônes peintes au 18me siècle. Bien qu’elles
soient entourées de villages albanais et que le monastère
soit fermé le samedi, les soeurs nous ont ouvert les portes de
leur monastère et de leur chapelle.
Cette journée, tantôt dure, triste, affligeante, désolante
nous a permis de découvrir la vie, la vraie misère et
le détresse dans laquelle vivent les personne rencontrées…
Je sors changée de cette formidable expérience.
Nous décidons de donner la palme d’or de la journée
à Sophie pour sa photo illustrant son article. Ce soir nous dînons
en ville…
Frédérique Vitalis
Crédit photo : Frédérique Vitalis